"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo
"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo

Partir à la rencontre des Torajas

Dans les montagnes reculées de Sulawesi en Indonésie, les torajas animistes vénèrent leurs ancêtres et un animal sacré: le buffle..


Séchage du riz au village de Palawa.

Sulawesi est une île qui frappe l’imagination avec son profil en forme de pieuvre. Cette terre indonésienne de 189000 km2, à l’est de Kalimatan (Bornéo), est plus connue sous son ancien nom de Célèbes. Sous un climat équatorial rebutant au premier abord, elle offre des paysages aussi contrastés que les marécages côtiers, les montagnes du centre qui atteignent 3500 mètres d’altitude, et les plateaux aux lacs magnifiques.

Des voiliers bugis dépourvus de gouvernail.

Sa capitale, Ugung Pendang, s’appelait Makassar avant l’indépendance. De là, les fameux marins que sont les bugis sillonnent depuis des siècles l’ensemble de l’archipel, transportant les marchandises d’île en île. Sur leurs voiliers dépourvus de gouvernail, ils n’éprouvent aucun besoin de posséder une boussole.

Le centre de Sulawesi, montagneux, est le coeur de la mystérieuse civilisation toraja qui comprend selon les estimations entre 300000 et 600000 personnes disséminées sur 3500 km2. On peut à présent en découvrir une petite partie, autour de la petite ville de Rantepao. L’accès ne se fait que par avion ou par l’unique route en provenance d’Ugung Pendang.

D’anciens marins réfugiés dans la montagne.

Habitations typiques près de Batu Tumonga

Les villages des Torajas ne comptent jamais plus de 300 ou 400 habitants. L’orientation de leurs demeures n’a rien du hasard car, ici, l’espérance jaillit à l’Est, alors que l’Ouest est le côté des morts. Posés sur des pilotis de bambou, leurs maisons – les Tongkonans – sont remarquables et soigneusement décorées. Les toits élancés en forme de proue de navire atteignent une hauteur de 15 mètres.

Sans doute une réminiscence de l’histoire de ce peuple. Les Torajas seraient d’anciens marins originaires de la Chine du Sud ou de la Birmanie, qui, après avoir conquis les côtes de Sulawesi, se seraient réfugiés dans la montagne devant l’invasion des peuples bugis et l’arrivée de l’Islam. Alors, isolés du monde et pour subvenir à leurs besoins, ils ont appris à utiliser chaque parcelle de terre, délaissant la culture par brûlis pour les rizières en terrasse.

Le buffle est l’ancêtre de l’homme.

3 images d’une cérémonie funéraire a Angin-Angin.

Dès les premières heures suivant l’arrivée dans le pays des Torajas, le rôle fondamental du buffle apparaît. Ici, il n’a rien d’une bête de somme. On l’aperçoit dans les rizières mais il n’y travaille pas. Chez les Torajas, animistes, le buffle est un animal sacré. Ancêtre de l’homme, c’est sur son dos que les âmes des défunts voyagent pour rejoindre le paradis.

Les rites funéraires sont parmi les moments les plus forts de la vie du village. La préparation peut demander des semaines ou même des mois, pendant lesquels le mort embaumé attend, au milieu des siens, le grand jour de son départ pour l’au-delà.

3 images d’une cérémonie funéraire a Angin-Angin.

La fête dure alors deux, trois, quatre jours, ou plus longtemps encore, et rassemble toute la famille, les amis et connaissances. Soit, parfois, plusieurs centaines de personnes s’il s’agit d’un chef de village.

La famille dort et mange ici, dans le village de bambou construit pour l’occasion, jusqu’à la fin de la cérémonie, au rythme des processions qui se suivent. Des dizaines de cochons ficelés et transportés sur des bambous attendent d’être sacrifiés. Quelques buffles vont subir le même sort, un nombre élevé étant pour le défunt le garant d’un accès rapide au royaume des ancêtres.

Les morts au balcon.

Les « Morts au balcon » de Lemo.

Puis vient le jour de « l’enterrement ». Le cercueil rejoint alors un cimetière inimaginable, comme ceux de Londa et Lemo. Des cavernes s’étagent le long du flanc d’une falaise et chacune de ces tombes, creusée par la seule force humaine, est fermée par une porte décorée. Plus haut, depuis un balcon à mi-hauteur entre le monde des vivants et l’au-delà, des statues à l’effigie des disparus veillent sur les vivants.

Près de Batu Tumonga, c’est dans un énorme rocher en forme de pain de sucre que sont percées les tombes. Parfois, une croix sur la porte d’une tombe rappelle que, si certains Torajas ont été christianisés par les Hollandais, ils ne sont pas moins fidèles à leurs traditions animistes. C’est ce, qu’aujourd’hui encore, on peut découvrir à Tana Toraja, le « pays toraja ».

A savoir:

Le climat de Sulawesi est équatorial, chaud et humide. Les températures restent généralement comprises entre 20 et 30°C. Attention, le pays toraja, lui, est en altitude, il peut donc y faire plus frais.

Marché au cochons à Rantepao.

L’accès à la région n’est pas des plus simples. Garuda Indonésia, la compagnie aérienne nationale, Air France et d’autres compagnies offrent des vols entre la France et Jakarta (Java) ou Denpasar (Bali). De là, rejoindre Ujung Pendang sur l’île de Sulawesi en avion par les vols quotidiens de Garuda et Merpati. Il ne reste alors que la (longue) route jusqu’à Rantepao à moins d’utiliser la voie des airs et le petit bimoteur de Merpati.



Texte et photos: Pascal Blondé – Voyage « Aventure et Volcans » effectué en Juin/Juillet 1993.

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