"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo
"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo

Août 2022: Meradalir, la péninsule islandaise de Reykjanes reprend du service.


Islande, 3 août. En milieu de journée les webcams confirment que la crise sismique en cours, qui a commencé le 30 juillet, vient de déboucher sur une éruption. Des informations plus précises ne tardent pas: une fracture de 300 m s’est ouverte dans le vallon de Meradalir à un peu plus d’un kilomètre au nord du cratère de 2021 et le magma s’en échappe sur toute la longueur.

L’Islande en août en voyage de dernière minute!

Nombreux sont ceux qui, Islandais ou vacanciers ayant choisi l’Islande en ce mois d’août, partagent leurs images sur internet. Que faire en tant qu’amateur de volcans ? Pour l’instant on ne peut qu’alterner le visionnage des webcams du Langihryggur et du Langhóll. Discussions sur réseaux sociaux et par téléphone s’enchaînent. Durée probable de l’éruption: quelques heures, des semaines ou… des mois. L’été n’est pas la meilleure période pour des voyages impromptus: vols aériens et hôtels complets ou onéreux. Idem pour les locations de voiture.

Il faut bien se décider à un moment. Nous sommes finalement trois, Daniel, Fady et moi à préparer la « logistique » d’un voyage. Dépités par les disponibilités d’hébergement sur les plateformes en ligne nous appelons l’hôtel à Vogar où nous logions l’an dernier. Comme par miracle le propriétaire nous signale des annulations de dernière minute: nous retenons immédiatement deux chambres et j’achète les deux dernières places du vol du lundi soir. Fady s’envolera d’Amsterdam le lundi matin, réservera la voiture et partira en « éclaireur ».

Tributaires de la météo

Un bassin à Brimketill, formation géologique sur la côte rocheuse de lave

Mardi 9 août. Nous sommes tous les trois en Islande. La tempête s’abat depuis la veille sur la région et l’accès au volcan est fermé. La police nous dissuade de nous y aventurer, et de toute façon on n’y voit rien! Les secours sont déjà assez occupés à secourir des touristes égarés et de plus mal équipés. Alors qu’une nouvelle vague de canicule s’abat sur la France, nous sommes sous une petite pluie bien froide. Maximum de 13 degrés en journée… C’est dur pour Fady qui entame son second jour bloqué par la météo… il se voit déjà reprendre l’avion du retour sans avoir aperçu la moindre incandescence. En attendant une accalmie annoncée pour les jours prochains nous visitons les solfatares de Seltún et la zone géothermale de Gunnuhver. Sous un ciel bien bas, l’ambiance est bien volcanique et n’a rien à voir avec celle de l’an dernier sous le soleil.

 

 

 


Ambiance volcanique à Gunnuhver…


En procession vers le volcan

Après deux jours de fermeture, l’accès au volcan est réouvert mercredi 10 et nous ne sommes de loin pas les seuls à vouloir en profiter! La police essaie de gérer la circulation et la montée en voiture de Grindavik jusqu’au parking demande une demi-heure en roulant au pas…

Nous voilà ensuite embarqués dans la procession quotidienne de milliers de pèlerins en quête de l’enfer volcanique.

La première partie du trajet se fait sur le chemin déjà tracé. Un terrain plat suivi d’une forte montée. La seconde moitié consiste à contourner l’ancien site volcanique du Fagradalsfjall par l’Ouest en traversant un plateau. Peu de descentes et montées, mais un sol composé de pierres et de tourbe. Chaque pas demande réflexion: poser le pied un peu vers la droite ou vers la gauche, sur le coin de tourbe ou le caillou proéminent ? Et ne pas oublier de scruter les autres randonneurs, ceux que l’on dépasse, ceux qui nous dépassent et ceux qui arrivent en sens inverse! Les autorités ont profité des derniers jours pour baliser les accès avec des poteaux et des engins de chantier commencent à niveler le chemin.

 


Après un peu moins de deux heures de marche, nous bifurquons plein Est et entamons une dernière descente vers la vallée de Meradalir. Seul un léger panache surmonte le site. Aucune fontaine n’est visible, impossible donc de s’arrêter en chemin en espérant voir le spectacle de loin. Quelques minutes encore et les fontaines incandescentes nous apparaissent enfin.

Depuis une colline un point de vue impeccable

Sur notre gauche, au Nord, la colline Langhóll et la webcam, devant nous le champ de lave de Meradalir encerclant les fontaines de lave avec la colline Meradalahnukar en arrière-plan. Sur notre droite une petite colline semble la mieux placée pour suivre l’activité volcanique mais des centaines de personnes y ont déjà pris place, comme dans les gradins d’un stade. La vue est imprenable, on surplombe la zone active. Nous n’avons pas la chance des randonneurs des premiers jours, le champ de lave ne permet plus une approche des fontaines et la fracture s’est réduite mais on ne se plaint pas, les yeux se régalent largement.

 


Ici il faut accepter également de partager le spectacle avec d’autres. Pour nombre d’Islandais c’est devenu la promenade familiale. Les enfants sont émerveillés devant un tel spectacle, cela doit sûrement changer des consoles vidéos et des séries TV en streaming!

C’est plus compliqué pour les vidéastes. Le souffle et les mugissements de l’enfer sont noyés dans les vrombissements des hélicoptères, des multiples drones et les discussions ou exclamations du public. Daniel et Fady se trouvent une place un peu isolée, où les discussions sur l’Etna d’un groupe de Siciliens installés près de nous ne finiront pas sur la bande-son!

 

 


Une coulée vers le Nord inquiète

Le volcan ne semble pas prêt de se calmer et la lave décide de couler vers le Nord. Je longe la coulée. J’y croise une volcanologue islandaise qui explique à ses deux étudiantes comment prélever des lambeaux de lave. Ce que l’on pourrait croire facile au premier abord est plutôt difficile. La lave visqueuse ne se laisse pas faire! Cette coulée qui commence à inquiéter les autorités si elle venait à déborder de la vallée Meradalir se calmera finalement.

 

 

 

 


Avec ce premier jour sur le volcan, nos doutes et craintes de ne rien voir ont disparu. Nous passons deux autres journées sur le site (vendredi 12 et dimanche 14 août) sans que la lassitude nous envahisse. La météo reste toujours aussi capricieuse, alterne soleil et pluie fine, avec des températures plutôt fraîches mais il suffit de descendre au pied de la colline pour profiter de la chaleur du champ de lave.


Une fracture en constante évolution

En quasi-permanence plusieurs petites coulées prennent la direction des anciens champs de lave au Sud. Elles sortent de notre champ de vision dès qu’elles abordent une première pente mais restent visibles sur la webcam du Langihryggur grâce à son zoom puissant.

Pendant ces trois séjours sur zone nous assistons également à plusieurs épanchements de lave; de façon soudaine, la lave envahit la surface d’une coulée précédente offrant des motifs incandescents variés, des bras de coulées s’en échappent, eux-mêmes se ramifiant dans des petits filets de lave tels des doigts.

 

 

 

 


Petit séjour touristique

Le 11 août, nous réservons un survol en hélicoptère mais il n’est prévu qu’en soirée. En attendant, nous passons la journée à parcourir les célèbres sites de Geysir,Gulfoss, Kerid et de la rivière Hvita.

 

 


Survol en hélicoptère

En soirée lors de notre survol en hélicoptère le temps est gris et pluvieux et la nuit approche. Images un peu ternes mais intéressantes tout de même. Avant de rentrer à Reykjavik le pilote fait un détour pour survoler le cratère du Fagrafalsfjall, actif l’année dernière.

 


Visite du tunnel de lave du Raufarholshellir

Second petit intermède touristique le 13 août avec la visite du tunnel de lave aménagé du Raufarholshellir, pas très loin de la capitale. Bien que la visite soit organisée et encadrée les quelques images rapportées sont sympas!

 

 


Entre notre observation du mercredi 10 et celle du dimanche 14 août, la morphologie du site a bien évolué. Les fontaines étaient parfaitement visibles le premier jour, une paroi ne se formant que du côté Est, donc derrière la bouche vu notre situation. En quelques jours à peine cette paroi se forme sur les autres flancs et un véritable cône s’édifie. Deux brèches importantes permettent encore aux flots de lave de s’évacuer. Les visiteurs suivants auront moins de chance!


Le soir du dimanche 14 août nous regagnons l’aéroport, contents de notre séjour. Un tel voyage est toujours un peu un coup de poker, on ne gagne pas à tous les coups. Pour ne parler que de l’Islande, en 2000 j’étais arrivé après l’éruption de l’Hekla, l’Eyjafjallajokull m’avait laissé sur ma faim en 2010 car sur place un peu tard également. 2021 avec le Fagradalsfjall et 2022 avec cette activité effusive dans la vallée de Meradalir ont sauvé la mise.

 

 

 

 

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