Les îles Moluques du Nord offrent quelques volcans intéressants et peu visités, mais qui actuellement font assez souvent parler d’eux sur Internet: Gamalama, Dukono, Ibu… J’avais fait un tour dans ce coin de l’Indonésie en 1994, puis en 1999 lors du réveil de l’Ibu. Les conflits religieux puis l’activité volcanique réduite avaient jeté dans l’oubli cette destination.
«Aventure et Volcans» vient (enfin) de remettre ce voyage au catalogue et me voici donc en route pour les «îles aux épices».
Voici une petite rétrospective photographique de ce voyage. Retrouvez encore plus d’images volcaniques sur mes pages: Volcans d’Indonésie – Maluku et Volcans d’Indonésie – Sulawesi.
Après une petite visite dans le nord de Sulawesi au volcan Lokon en activité normale avec son panache blanc, puis un court vol aérien, nous voici sur la petite île de Ternate. Notre destination est la ville de Tobelo, sur la grande île voisine d’Halmahera dont la forme rappelle un peu celle de Sulawesi. Cela demande encore une traversée en «speed-boat» et quatre heures de route.
19 juillet: depuis l’hôtel, le ciel clair laisse apercevoir un imposant panache gris surmontant le volcan Dukono. Pour nous remettre d’aplomb après notre long voyage, une journée de repos nous attend dans les petites îles au large de Tobelo. Les fonds marins y valent bien ceux de Bunaken, au nord de Sulawesi.
En route pour le volcan Dukono
Le lendemain, à l’observatoire volcanologique du Dukono, nous passons en revue les sismographes des derniers jours: l’activité est assez variable mais ne semble pas s’arrêter.
Un véhicule 4×4 est arrivé comme prévu pour nous emmener plus haut, mais nous perdons une heure à attendre le second véhicule promis qui n’arrive finalement pas. Nous quittons l’observatoire vers midi en véhicule tout-terrain (deux allers/retours pour acheminer hommes et sacs).
À 14 h, après une première forte averse, commence l’ascension proprement dite. Les chants d’oiseaux résonnent dans la forêt. Quatre heures de marche plus tard, sortant de la forêt, nous voici à trois ou quatre seulement dans les herbes hautes et les roseaux. Un quart d’heure encore et notre guide nous désigne l’emplacement du campement, dans une petite caldeira plate parfaite pour planter les tentes… lorsque le reste du groupe et les porteurs arriveront.
En attendant, la pluie redouble d’intensité et on contemple tant bien que mal et transis par l’humidité le cône du Dukono surmonté d’un impressionnant panache. Entre nous et le volcan, une partie de la plaine cendreuse de la caldeira s’est transformée en un large torrent. Le vrombissement qui arrive à nos oreilles n’est pas celui du volcan mais bien celui de l’eau: on sait au moins maintenant où ne pas installer les tentes!
Notre sommeil réparateur est soudainement interrompu par une éruption tant imprévue que violente: vers 4h20 ce 21 juillet, pendant plusieurs minutes, des blocs incandescents sont expulsés du cratère et des éclairs parcourent le panache qui prend de l’ampleur. Je suis pris à l’improviste et tout mon matériel photo, y compris le trépied, est encore bien rangé au fond du sac. Le spectacle ne sera donc que pour nos yeux. Le vent, qui a tourné dans la nuit, oriente le panache dans notre direction et la cendre humide ne tarde pas à retomber rapidement avec fracas sur nos tentes. Les volcanophiles novices de notre groupe en seront quittes pour une fin de nuit angoissée.
Au petit jour, vers 6h, nous partons pour le sommet mais une grande partie de notre groupe s’arrête à mi-pente. Peur ou estimant ne pas mieux voir au sommet? Difficile de connaître la raison exacte et nous ne sommes finalement que cinq à poursuivre jusqu’aux lèvres du cratère (altitude du sommet 1 087 m).
Au fond de celui-ci, d’environ 800 m de diamètre pour 150 de profondeur, une bouche active émet de façon continuelle un panache gris clair. À sa base, de belles gerbes de cendres noires émergent du panache par intermittence. Il n’y aura finalement pas d’éruption aussi puissante que celle de la nuit lors de notre présence sur les bords du cratère, mais de toute façon aucune bombe récente n’y est visible.
La pluie nous évite aujourd’hui, ce qui ne semble pas être le cas dans le lointain. Nous quittons les abords du cratère et entamons la longue descente vers 9h30.
Ibu et Gamkonora: deux autres volcans actifs à quelques kilomètres de là
Aucune route ne permet de rejoindre le volcan Ibu depuis Tobelo (35 kilomètres à vol d’oiseau). Il est nécessaire de repartir sur nos traces en longeant la côte est vers le sud puis de remonter la côté ouest, soit une bonne journée de route (dans les 150 kilomètres !). Nous passons au pied du volcan Gamkonora. Il n’est pas au programme, mais on aurait pu le rajouter en voyant l’imposant panache blanc qui le surmonte.
Arrêt à l’observatoire qui surveille conjointement les deux volcans voisins (Ibu et Gamkonora ne sont séparés que de 16 kilomètres) pour enfin arriver au village de Duono au pied du volcan Ibu en plein match de football. L’hébergement se fait chez l’habitant, matelas posés à même le sol.
Ascension du volcan Ibu
23 juillet: la longue ascension démarre à 8h40. La pente est plutôt douce et le chemin traverse plantations de bananiers et de cocotiers. Un de nos porteurs grimpe avec facilité au sommet des cocotiers pour décrocher quelques noix de coco bien rafraîchissantes. Peu après commencent les choses sérieuses. Une brusque montée augure de la suite: il n’y a plus qu’un vague sentier à travers la forêt dense. La progression se fait en enjambant les racines et en se cramponnant aux arbustes et roseaux pourris qui cèdent facilement sous l’effort.
À deux reprises, il faut parlementer avec nos guides et porteurs qui ont pris la ferme décision de camper en pleine pente dans la forêt! Raison invoquée: au sommet, aucun emplacement où monter les tentes. La pluie se mêle également de la partie et je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour gravir une pente boueuse de 3 ou 4 mètres de haut.
En comptant les nombreux arrêts, nous mettons pas loin de neuf heures pour atteindre le sommet où, effectivement, il n’y a aucun emplacement pour camper. Roseaux et herbes hautes envahissent les abords du cratère mais les machettes ont vite raison de ceux-ci.
C’est sous des bâches plastiques que nous commençons à observer le volcan, plus ou moins bien car la nébulosité est très changeante. Certains montent leur tente (avec l’intention de dormir?), d’autres comme moi préfèrent rester sous la grande bâche des porteurs, essayant quelque peu de se réchauffer près du feu tout en gardant un œil sur le volcan.
Trépied et appareil photo en place, j’observe le volcan. Le cratère est intégralement rempli d’un dôme de lave et on relève trois bouches. La première, la plus à droite, est fortement active, il ne faut pas attendre plus d’un quart-d’heure pour assister à une éjection violente de bombes assortie d’un panache.
Assez souvent également a lieu un important dégazage dont le bruit pourrait nous faire croire que l’on a planté la tente près d’un aéroport. Autre bruit caractéristique qui revient constamment tout au long de notre séjour: les roulements des pierres dans le cratère, les amoncellements de bombes ne sont pas stables du tout et s’effondrent sans cesse. La vue se bouche vers minuit, les averses reprennent et on resserre les rangs sous la bâche plastique.
Poursuite des observations à l’aurore avant de redescendre au village. Les plus violentes explosions de la bouche de droite engendrent parfois de petites coulées pyroclastiques. Quelques éruptions partent de la seconde bouche (celle du milieu par rapport à notre point d’observation); nous n’en verrons aucune de la troisième (à gauche).
De retour au village de Duono, c’est dans la rivière qu’il est le plus simple de se nettoyer, un spectacle pas ordinaire pour tous les enfants du village que de voir des «orang bule» bien crasseux essayer de retrouver un aspect «présentable».
Ternate: son palais du sultan, son fort et son volcan: le Gamalama
Il ne reste plus qu’à rejoindre l’île de Ternate et son volcan Gamalama. Personne ne semble prêt à souffrir encore pour un volcan trop calme en ce moment (j’ai encore dans mes souvenirs la dure ascension de 1994 qui s’est terminée accroupis sous les roseaux). C’est donc plus simplement en voiture que nous allons sur les traces des lahars qui se sont produits début mai 2012, provoquant la mort ou la disparition d’une quinzaine d’habitants. À voir l’impressionnant dépôt de pierres de gros calibre le long du cours de la rivière, on image facilement le cauchemar des villageois en lutte contre ce torrent de boue et de pierres!
Petite visite de la ville de Ternate. Le palais du Sultan est bien-sûr au programme tout comme le fort.
Un dernier aperçu des îles Moluques avant notre départ en faisant le tour de l’île de Ternate: clous de girofle et noix de muscade séchés sur le bord de la route… ces îles méritent bien leur surnom d’îles aux épices.