"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo
"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo

L’Arabie heureuse ou les montagnes et déserts du Yémen

Surnommé par certains « Arabie heureuse » grâce à ses terres montagneuses fertiles, pays de l’antique royaume de la reine de Saba pour d’autres, le Yémen, réunifié depuis 1990, s’ouvre de plus en plus au tourisme. Il a de quoi séduire à la fois les passionnés d’histoire, d’archéologie, d’architecture et de paysages magnifiques.

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La vallée de Bokur avec ses falaises

Sana’a, à 2300 m d’altitude, est la capitale du Yémen. Quelques restes de remparts expliquent son nom: Sana’a, la fortifiée. Fondée selon la légende par Sam le fils de Noé, elle devient dès le VIII° siècle avant J.C un centre caravanier sur la route de la myrrhe, de l’encens et des aromates, vers Rome, l’Egypte et la Grèce.

Immeubles yéménites typiques à Sanaa

Sana’a, patrimoine de l’humanité.

Pour l’explorateur danois Carsten Niebuhr en 1762-1763, « Sana’a, millénaire et sans âge, rappelle Venise, Florence, les cités italiennes du XII° siècle. Mais sa grâce, son originalité ne sont pas mesurables. Elle est sans conteste un des plus beaux joyaux de l’humanité ». L’UNESCO l’a d’ailleurs déclarée patrimoine de l’humanité. Les souks y sont nombreux – plus d’une quarantaine – et se répartissent par spécialité. Certains révèlent quelques caractéristiques de la vie yéménite. Par exemple l’omniprésence du « qat », une plante d’altitude aux vertus euphorisantes dont la culture s’étage entre 1000 et 2900 mètres d’altitude. Toutes les circonstances se prêtent à la mastication des jeunes pousses de cette plante. Facteur de cohésion social c’est aussi un fléau puisque 2 milliards d’heures sont ainsi perdues chaque année.

Jambiyas et Kalashnikovs.

Deux jeunes garçons devant une porte dans les rues de Sanaa
Un Yéménite avec sa Kalashnikov près de At Tawilah

On retrouve d’autres traces de civilisations antiques après avoir quitté le plateau de Sana’a et atteint le début de l’immense désert du Rub Al Khali, une centaine de kilomètres à l’est de Sana’a. La cité de Baraqish, en ruines, présente ses murailles hautes de 14 mètres. Sur les murs, les inscriptions en caractères sud-arabiques permettent de dater son origine: V° siècle avant J.C.

Un peu plus loin, la silhouette ôcre de la vieille ville de Maarib se détache sur l’horizon. La cité est connue pour les vestiges de son barrage, dont l’existence est mentionnée dans le Coran. Reconstruit en 1986, il irrigue 17000 hectares de désert.

Ici, comme dans d’autres coins du Yémen, la jambiya décorative se complète d’un fusil Kalashnikov. Les guerres tribales sont toujours dans la mémoire des Yéménites…

Plus à l’est, en rejoignant le Yémen du Sud au tourisme embryonnaire, la route fait place à la piste et au désert. Après Al Abr et Al Hudaybah, deux villages bien loin du monde qui reçoivent l’eau potable par camions citernes, la piste quitte enfin le désert et débouche dans la vallée encaissée de l’Hadramaout sur le « New-York yéménite »: les gratte-ciel de la ville de Shibam, serrés les uns contre les autres, atteignent six étages bien que construits en pisé. Un site également inscrit au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. Mais le Yémen a aussi un autre visage, celui plus connu de la montagne, qui jouie d’un climat tempéré et de terres fertiles.

La cité de Shibam dans la vallée de l’Hadramaout, appelée le New-York yéménite
Des enfants au garde-à-vous à Al Abr

Au pied du jebel Sabr (3070 m), Taiz, à 265 km au sud de Sana’a, abrite deux mosquées remarquables dont Al Ashrafiyah (un dôme et 8 coupoles).

Un peu plus au nord, Jiblah profite d’une végétation abondante: acacias, eucalyptus, cactus… Petite ville commerçante, elle étend ses maisons en pierres de taille sur le flanc d’une colline au confluent de deux rivières. Sa principale mosquée est l’oeuvre de la reine Arwa, seconde figure féminine historique du Yémen après la légendaire reine de Saba.

A deux heures de route de Sana’a, sur la route de Hoddeida le grand port de la Mer Rouge, Manakha est une ancienne halte caravanière du jebel Harraz, non loin du plus haut point de la péninsule arabique: le jebel-An-Nabi-Shuyab (3770 m).

Les cultures en terrasse de la montagne.

Le village de Kahel, perché sur son promontoire dans le jebel Harraz

Les cultures de qat, shorgo et de café s’étagent le long des pentes montagneuses sous la forme d’innombrables terrasses dont la petite taille ne facilite pas la mécanisation des tâches. Sur les hauteurs et pitons, les villages foisonnent. Leurs bâtisseurs ont joué avec les couleurs de la roche – du vert au rose en passant par le gris et l’ôcre – en alternant grès et basalte. Mais le côté sécurité n’est pas délaissé pour autant, et, à Al Hajjarah, les premiers des quatre à cinq niveaux des maisons n’ont que de petites ouvertures du genre meurtrière.

Maisons d’architecture yéménite At Tawilah

Autre région, autre architecture: à Thula, place forte à 45 kilomètres de Sana’a, tout comme à At Tawilah et bien d’autres villages encore, les superbes vitraux polychromes filtrent la lumière à l’intérieur des « mufrej », ces pièces ornées de tapis et de nattes, qui font office de salles de réunion et de réception au dernier étage des demeures. Les citernes d’eau à ciel ouvert, les « khazan » ou « barik », sont également remarquables. Celle d’Hababa alimente directement les bassins d’ablution de la mosquée.

De véritables nids d’aigle.

Dans ce pays, les citadelles imprenables sont légions, nées d’un besoin de résister aux envahisseurs. Shahara, au nord de Sana’a, est le plus gigantesque de ces nids d’aigle. A 3000 mètres d’altitude, il n’a été accessible pendant longtemps que par un petit pont de pierre surplombant un précipice de 300 mètres. Les Egyptiens firent appel à l’aviation en 1962 pour en venir à bout.

Plus prêt de la capitale, Dar al Hajar, le « palais du roc », contrôle une vallée fertile depuis un piton d’une cinquantaine de mètres de haut. C’était la résidence d’été de l’imam Yahya qui, au début du siècle encore, refusait obstinément l’ouverture de son pays.

 

Texte et photos: Pascal Blondé – Voyage effectué en Octobre 1991

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