"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo
"Ne fais pas attention à moi. Je viens d'une autre planète. Je vois toujours des horizons là où tu dessines des frontières". Frida Kahlo

Les Berbères du Haut-Atlas marocain

Au Maroc, alors que les villes comme Marrakech et Ouarzazate attirent nombre de touristes, et rassemblent les montagnards proches venus faire leur marché, d’autres peuples demeurent moins visibles, bien éloignés des points de passage et des routes fréquentées. Ce pays berbère qu’est la montagne de l’Atlas est une niche de curiosités et de découvertes.

Retrouvez quelques images supplémentaires dans ma galerie.

 

Le ksar de Aït Ben Haddou
Deux bergères dans le massif du Siroua

Les paysages de l’Atlas – une des plus longues montagnes de la terre avec ses 800 kilomètres – sont extrêmement variés et liés à l’altitude et à la distance de l’océan. Les hivers enneigés des hauts massifs transforment l’Atlas en véritable château d’eau. En été, la randonnée est la meilleure façon d’approcher la vie montagnarde dans la chaîne du Haut-Atlas et les massifs du Sirwa et du Sarho.

Un paysan au travail dans la région de Imilchil
Une maison fortifiée dans le village de Imilchil

Première destination, à 230 kilomètres à l’est de Marrakech: Imilchil, un village au coeur du Haut-Atlas central, au pays des Berbères Aït Hadiddou.

La route qui y mène depuis la ville de Beni-Mellal est longue mais offre un panorama intéressant: le regard passe sans cesse de la montagne dénudée et plissée au fond des vallées, où les taches vertes et jaunes trahissent les cultures et donc l’implantation de l’homme. L’eau, si précieuse, existe bien ici. Paisible un jour, tumultueuse un autre jour après un violent orage estival, la rivière s’écoule vers la plaine, irrigant les champs grâce aux travaux des hommes.

Le moussem des fiancés.

Le réputé thé à la menthe

Dans un coin perdu et aride de la montagne, le long de la route de terre, un simple écriteau métamorphose une tente berbère en « Café ». Traditionnel verre de thé à la menthe sucré. Et enfin, Imilchil et ses deux lacs: Tislit (la fiancée) et Isli (le fiancé). Pas très loin d’ici, à une vingtaine de kilomètres dans le village de Aït Haddou Ameur, se tient une fois par an un moussem, foire et grande fête religieuse à l’origine de nombreux mariages. Des jeunes filles, mais aussi des veuves, trouvent ainsi un futur mari en une semaine.

Les épices indispensables à la cuisine (souk de Boulmane).

L’électricité n’est connue ici que grâce au groupe diesel du village dont le ronronnement se fait entendre le soir tombant. Quant à l’eau, chaque jour de l’année dès le soleil levé, les femmes rejoignent la rivière pour en rapporter de pleines jarres d’eau.

Les constructions, assez hautes et aux murs épais, sont en terre battue ou en argile. Flanqués de tours d’angle et ornés de motifs géométriques, les « kasbahs » et greniers fortifiés ont un cachet particulier.

Le passage d’une saison à l’autre rythme toute la vie des montagnards et le travail de manque absolument pas. Les hommes se chargent des fumures et des labours et peuvent pratiquer un métier rustique. A leur charge aussi de descendre au souk hebdomadaire pour y vendre la production familiale et en rapporter articles et ustensiles dont la famille a besoin. Mais une grande partie des tâches incombe à la femme: éducation des enfants, cuisine, soin du bétail, récolte, lavage et mouture des grains.

La twiza ou la collectivité au service du particulier.

l’irrigation, les terrassements ou les constructions. De plus, une famille donnée peut demander, grâce à la coutume de la twiza, la participation des villageois pour une tâche importante, à la simple condition de nourrir les participants et les notables du village. La twiza est toujours considérée comme une véritable fête.

Si les Berbères ont été islamisés par les Arabes à partir du VIIIème siècle, ils n’ont pas, pour autant, tous même mode de vie et même langue. Dans l’Atlas de l’Ouest, on parle tachalhayt et on est généralement cultivateur et sédentaire, mais ici à l’Est, les pasteurs-nomades sont fréquents et le dialecte utilisé, légèrement différent, est le tamazirt. L’arabisation a, en effet, été plus lente que l’islamisation. De nos jours, la pratique de l’arabe dialectal parlé (darija) se développe principalement chez les jeunes par l’éducation scolaire et la radio.

Tachokchte, village du massif du Siroua.

Les structures administratives traditionnelles – Ikh (ensemble de villages), canton et tribu – laissent aussi de plus en plus souvent la place à un système basé sur la commune rurale avec son chef, le raïs, sur la circonscription (caïdat) et le cercle (dayrat) présidé par un raïs dayrat (un super-caïd en fait).

Chaque groupe important de Berbères a ses coutumes. Il en est de même pour les danses, les chants et les costumes. De juin à septembre, c’est la belle saison en montagne. Les fêtes locales et les moussems ne manquent pas. Chaque Ikh en profite pour mettre en avant sa propre parure qui le différencie des autres.

De la pierre à la place de la terre battue.

Changement de peuple, mais modification du décor également, une centaine de kilomètres plus à l’ouest dans le massif du Toubkal – la plus haute montagne d’Afrique du Nord avec ses 4167 mètres – juste au sud de Marrakech. Comme dans la presque totalité du Haut-Atlas, les Berbères sont ici des Chleuhs, la plus importante ethnie berbère.

La pierre remplace assez fréquemment la terre battue dans l’édification des maisons. Et pour cause: de la terre, il y en a bien peu dans certaines vallées, alors que les champs de cailloux abondent.

Le point de départ de la majorité des randonnées dans le massif du Toubkal est le village d’Imlil, véritable pépinière de guides de montagne et de muletiers.

En une semaine de marche, on appréhende quelque peu la vie des populations des villages. Cela permet également de gravir le sommet du Toubkal, au panorama fantastique donnant sur la plaine du Haouz de Marrakech – si la météo capricieuse de la montagne veut bien en dévoiler une partie -.

Les eaux vertes du lac d’Ifni.

Le lac d’Ifni, plus grand lac de montagne du Maroc, 2295 m d’altitude
Deux jeunes filles à Tissaldaï dans le massif du Toubkal

Au sud du Toubkal, dans une vallée très étroite, les eaux vert émeraude du lac d’Ifni tranchent avec la couleur ocre de la montagne. Un peu plus loin, c’est au vert des noyers et des cultures en étages de trancher avec la roche.

Juste avant de gravir le dernier col précédant la redescente sur Imlil, Azib Tifni, une bergerie isolée. Là, paissent une partie de l’année, moutons et vaches sous le contrôle des femmes et des enfants. Point de confort: pas d’électricité et l’eau est puisée dans le torrent. Avec des sceaux et bidons en plastique, comme pour rappeler que ces bergers berbères ne sont pas totalement à l’écart de la civilisation moderne.


Texte et photos: Pascal Blondé – Voyage effectué en Août 1989.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

PHP Code Snippets Powered By : XYZScripts.com